Que ce soit clair.
Qui, petit garçon ou petite fille, n’a pas été fasciné par la dégaine de John Wayne dans La dernière séance d’Eddy Mitchell ne comprendra rien à ce projet.
Qui, homme ou femme, ne s’est jamais demandé quel trouble le saisissait quand Steve McQueen et Yul Brynner chevauchaient côte à côte, les cuisses moulées dans des chaps en cuir, le revolver à portée de main, devrait passer son chemin.
Qui, à l’adolescence, n’a senti l’impérieuse nécessité de prendre une douche après avoir jeté un œil dans le décolleté de Claudia Cardinale malmenée par Henry Fonda peut quitter cette page.
Illico presto.
Le Western nous a faits.
Homme ou femme.
Le masculin et le féminin sont entrés en nous à coups de revolver et de grandes chevauchées, de duels virils et de gambettes levées bien haut.
Vous allez me dire : mais notre histoire n’est-elle pas celle de TOUT le cinéma ?
Bien sûr que oui. Mais surtout celle des cowboys d’opérette.
Parce que c’est une histoire qui, plus que celle de tout autre genre cinématographique, à travers la galerie archétypale de ses personnages, héros monolithiques ou modèles vacillants, héroïnes énamourées ou amazones redoutables, met en question ce qui nous fait homme et ce qui nous fait femme – et met en jeu notre désir.
Les petits garçons se voient-ils les bottes aux pieds, un Stetson sur le front, Smith & Wesson à la main ? Et les petites filles ? La cheville fine sous les jupons, la taille corsetée, une ombrelle sur l’épaule ? Et si leur rêve à elles était de dégainer, de cogner dur et de faire du rodéo ? Et si leur rêve, à eux, était plus tendre, plus mystérieux, fait d'autre chose que de courage et d'héroïsme ?
Après Petite Musique de Filles, premier spectacle autofictionnel sur le théâtre et la féminité, ACMé soulève la question de notre rapport intime au cinéma avec Quelque part dans l'Ouest.
Partant des phénomènes d'identification qui ont jalonné leur vie de spectateurs, actrices et acteurs au plateau vont remettre en jeu les codes du western, abolissant joyeusement les frontières traditionnelles du masculin et du féminin, et tendant un miroir sur les rapports de domination qui régissent encore, dans nos sociétés contemporaines, les relations entre hommes et femmes.
Ecriture : Compagnie ACMé
Distribution : Pierre-Benoît Duchez, Manuel Le Velly, Laurie Montamat, Mélissa Ocaña Molinero, Charlotte Piarulli
Lumière : Serena Andreasi
Costumes : Caroline Laroche
Direction, mise en scène et scénographie : Pierre-Benoît Duchez
Photogramme : Joan Crawford (Johnny Guitar, Nicholas Ray, 1954).